La Peine

Contribution au concours de la ville de Mably en novembre 2013, La Peine s'est classée parmi les 10 premières nominées.

Mes pieds nus écrasent l’herbe dans ma course vers toi. Ton rire s’envole et moi, béatement, je souris. J’accélère. Bientôt, ma main frôle le voile de ta robe blanche qui met en valeur ton teint, halé par l’été. J’y suis presque. Tu te dérobes. Comme toujours.

Les mains sur les cuisses, haletante, la jupe légèrement remontée, tu t’es immobilisée. Ton regard noir s’invite dans l’échancrure de ma chemise, et goutte à la sueur qui perle sur mon torse. Je scrute le moindre mouvement de ta part qui me donnera la direction dans laquelle tu t’échapperas. Je prendrais alors le contre-pied pour essayer de t’attraper. Pour une fois.

Tes lèvres entrouvertes m’apparaissent telle une fraise à moitié croquée. Je meurs d’envie d’y glisser mes doigts. Ta langue danserait une gigue autour d’eux et tes lèvres les captureraient pour une durée indéfinie. Le soleil, à la verticale, donne à tes cheveux des reflets blancs. Leurs mèches viennent titiller la pointe de tes seins dont l’aréole, plus sombre en cette période, m’apparaît par transparence.

Dans un mouvement brusque, tu reprends ta course à droite. Je ne dois ma victoire qu’à une vieille branche. Tu t’écroules dans un rire et je te rejoins en quelques enjambées. Je viens m’allonger auprès de toi. Tous les deux, haletant, couchés sur le dos dans l’herbe, nous regardons le ciel bleu magnifique. De grands voiles blancs, très hauts, s’étirent devant nos yeux et tu leur inventes une histoire. Ma main effleure le dos de la tienne, mes doigts se glissent dans les tiens et caressent ta paume en petits cercles, dans un sens, puis dans l’autre.

Je tourne la tête sur le côté, ton sourire n’a jamais été aussi éclatant qu’aujourd’hui. Nous, seuls, plus pour longtemps, savourant une victoire sur l’attente, celle, insupportable qui peut vous consumer à petit feu.

Je me couche sur le côté, mon bras soutenant ma tête. Mes yeux glissent sur ton cou, ta gorge et s’arrêtent sur ta poitrine. La sueur plaque le tissu de ta robe sur tes seins gonflés d'espoir. Mon doigt vient en effleurer le téton et poursuit sa découverte en slalomant vers ton ventre à peine rond dans cette position. Il contourne ton pubis, glisse sur ta hanche puis rencontre enfin le bord ouvragé de ta robe. Ma main se faufile en dessous  à la rencontre de la dentelle de ta culotte.

Tu me dévisages. Le désir que je perçois dans tes yeux, me donne envie de continuer le voyage. Ton sourire s’élargit. Je peux même l’entendre.

Avec douceur, tu te tournes sur le côté. Des deux mains, je fais glisser lentement ton slip sur tes cuisses. Tu frissonnes. Mon regard se pose sur toutes tes rondeurs. Ce spectacle déclenche en moi une chaleur exquise. D’une main je dégrafe mon pantalon. Tes mains serrent les miennes. Ma bouche à ton oreille susurre des promesses et des secrets d’amour, aborde des envies d’éternité. Tes lèvres mouillées laissent échapper un souffle de  plaisir.

Ma main saisit ta hanche où mes ongles s’enfoncent. Je resserre mon étreinte contre ton corps afin que, dans quelques instants, de toi, de moi, il ne reste plus rien, juste l'illusion d'une entité inaccessible, indomptable, abstraite.

Mais, là, tout à coup, dans cette extase, mes mains s'engourdissent. L'étoffe légère sous mes doigts s’effiloche, se craquèle, se déchire, se désintègre. En quelques secondes, la douceur du tissu a disparu. Devant mes yeux affolés, ton visage s’efface sans que je puisse intervenir. Le néant avale ta gorge, engloutit tes seins, grignote ton ventre, dévore ton pubis. Dans un cri, je tente d’empêcher cette disparition brutale qui me rend à ce présent détestable.

 

Le vent s'est levé. Le ciel s'est noirci. Les grands voiles blancs s’étirent jusqu’à disparaître complètement. Le bas de mon pardessus virevolte et danse avec les feuilles orangées que l’automne a délaissées. Ma main vient rattraper mon chapeau qui pourrait s’envoler, l’enfonce sur mon crâne dégarni.

Mon regard croise un corbeau. Il s’est arrêté à quelques mètres et me fixe de ses petits yeux noirs. Son croassement me glace le sang. Mes sens retrouvés, je regarde mes mains. Elles rejoignent mes poches. Sans me retourner, je me dirige vers ma voiture. Il est déjà 18h, c’est l’heure de la fermeture.

 

Pourquoi, mon amour, fais-je toujours le même rêve lorsque je viens me recueillir sur ta tombe ?

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